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Évolution typologique et technique des meules du néolithique à l’an mille Les moulins de type Pompéi en France Luc Jaccottey et Samuel Longepierre avec la collaboration de François Boyer, Gilles Fronteau, Florent Jodry, Stéphanie Lepareux-Couturier, Paul Picavet, Florence Pfeiffer, Bruno Robert, Boris Robin, Bertrand Triboulot résumé aBstract Caractéristiques par leur forme et leurs dimensions, les meules de type Pompéi sont composées d’un catillus de grande taille en forme de coquetier ou de sablier et d’une meta conique. Ces pièces imposantes étaient mues par traction animale au moyen d’encoches aménagées de part et d’autre de la meule dans sa partie la plus étroite. La pente des surfaces actives est importante. Une récente étude a montré l’importance numérique de ce type de moulins dans la Gaule narbonnaise, alors que leur usage était préalablement considéré comme plutôt limité. Dans cette région, la totalité des éléments recensés sont en roche volcanique, très probablement originaire de la péninsule italienne et notamment de la région d’Orvieto. Ce matériau si caractéristique est connu principalement pour des meules de ce type, mais on trouve aussi dans la même roche des meules de grand format d’un autre type (meules hydrauliques ?) et quelques rares meules manuelles. Au-delà de la partie méridionale de la France, aucun recensement exhaustif de ce type d’outils de mouture n’a pour l’instant été mené. Plusieurs meules pompéiennes sont cependant connues à Amiens, Lyon, Paris, Troyes. Contrairement aux pièces originaires du sud de la France, toutes ne sont pas en roche volcanique. Elles ont essentiellement été découvertes lors de fouilles urbaines. Le but du présent travail est de dresser une première carte des meules de type Pompéi à l’échelle du territoire français. L’inventaire de ce type de meules prendra en compte la matière première, la datation et le contexte de chacune des pièces. Pompeian millstones are known by their characteristic shape and size. They consist of an hourglass-shaped (bi-conical) upper stone (catillus) and a conical lower stone (meta). The larger models were driven by animals (hence their name, ‘donkey mills’) by means of fittings inserted in lugs on opposite sides of the catillus. The inclination of the grinding surfaces is very important. Recent research has proved, contrary to established assumption, that this type of mill was quite common in Narbonese Gaul. In this Roman Province, all of these mills are made of volcanic rock. The source of this volcanic rock is most likely the Italian peninsula, specifically the region of Orvieto. Although this distinctive rock was also used for other types of large (hydraulic?) millstones and small hand-operated rotary querns, it was mainly used for Pompeian millstones. Beyond southern France, no comprehensive survey of this type of mill has yet been conducted. Several are known in Amiens, Lyon, Paris, Troyes, etc. Unlike the finds from southern France, not all are of volcanic rock. Most come from excavations of urban sites. The aim of this study is to provide a first distribution of Pompeian mills across French territory. For this study, the factors taken into account are raw material, chronology, and the context of each find. mots-cLés Keywords Meules pompéiennes, France, roches volcaniques, grès Pompeian millstone, France, volcanic rock, sandstone 92 éVoLutIon typoLogIque et tecHnIque des meuLes du néoLItHIque à L’an mILLe Eu égard à leur forme très particulière et leur dimension importante, les moulins de type Pompéi constituent en quelque sorte l’emblème des différents outils de mouture connus dans le monde romain. Les images des boulangeries découvertes à Pompéi ou encore à Ostie qui sont toutes dotées de moulins de ce type ont ainsi été largement diffusées auprès du grand public. Durant l’Antiquité même, ces moulins devaient déjà marquer les esprits puisqu’ils ont souvent été représentés sur des bas-reliefs, celui par exemple de la tombe du boulanger Eurysacès près de la “Porte Maggiore” à Rome qui retrace l’ensemble des activités de boulangerie. Mais il ne faut pas oublier que derrière ces images se cache une réalité plus complexe dont témoigne la variété des types de moulins utilisés au cours de l’époque romaine : moulins manuels, hydrauliques et à sang de formes diverses. Aussi, à la lecture des ouvrages généraux qui concernent les activités de mouture durant cette époque, les moulins pompéiens occupent souvent une place de choix (Poulin 2000, 17 ; Bayard & Massy 1983, 163). Il n’est pas rare non plus que ces pièces, en raison de leur aspect spécifique, soient présentées en priorité dans les musées, comme ceux d’Amiens, de Reims, ou encore de Lyon, aux dépens des nombreuses meules manuelles souvent entreposées en nombre dans les dépôts de ces mêmes musées, loin du regard du visiteur. De manière paradoxale, il n’existe pas de travail de synthèse sur la répartition de ces moulins à l’échelle de la Gaule. D’après une étude récente (Longepierre 2007), il s’est avéré que leur diffusion était importante en Narbonnaise, région pour laquelle elle était auparavant considérée comme marginale. Ailleurs, un premier recensement fait état de la présence de quelques moulins pompéiens à Amiens, Lyon, Orléans, Paris, Soissons, Tours et Troyes (Béal 1996, 93). Mais plus généralement, les quelques références bibliographiques disponibles à ce sujet sont très lacunaires, voire invérifiables : la mention d’une meule pompéienne est souvent dépourvue d’indications relatives à son contexte de découverte, sa typologie, sa chronologie ou encore la nature et l’origine du matériau utilisé dans sa confection. Depuis peu, dans le cadre du Projet Collectif de Recherche du Groupe Meule, nous avons donc commencé un travail d’inventaire des meules pom- péiennes à l’échelle nationale. Celui-ci concerne seulement la France métropolitaine, même si nous avons connaissance de l’existence de ce type de meules en Corse, à Aléria (Jehasse & Jehasse 1987, 31) et Lucciana (Nucci 2006) notamment. À l’issue de ce recensement, nous voulons connaître, en nous fondant sur une série d’analyses menées sur des échantillons de roches, les principales régions de production à l’origine de la diffusion des meules pompéiennes en Gaule, pour déterminer la place tenue par les meulières régionales face aux carrières de portée extrarégionale localisées notamment dans la péninsule italienne. D’autre part l’importance réelle de l’utilisation de ces moulins comparéeaux autres meules reste à définir selon les régions, les époques et la nature des sites antiques (agglomérations, villae ou fermes). Nous proposons ici un premier bilan de nos travaux dans ce domaine qui reposent sur la connaissance encore partielle des ouvrages locaux et des collections de meules disponibles dans les dépôts archéologiques, grâce à l’assez bonne répartition des membres de notre groupe d’étude sur l’ensemble du territoire national. Dès que nous l’avons pu, les meules ont été dessinées selon les normes que nous avons établies (Jaccottey & Farget, ce volume). Enfin, une détermination pétrographique a été faite visuellement, en l’attente d’analyses plus approfondies, afin de classer chaque meule dans l’une des deux grandes catégories de matériaux utilisés dans la confection des objets de mouture antiques, à savoir les roches volcaniques (basalte, andésite) et les autres roches non volcaniques (grès, conglomérat). Les meuLes de type pompéI Description générale et typologie (fig. 1) L’inclinaison de la face active des moulins pompéiens, comprise entre 50° et 65°, est très prononcée et constitue ainsi une caractéristique commune aux meta et aux catillus permettant d’expliquer en partie leur hauteur importante, qui est supérieure (ou moins souvent égale) à leur largeur. À titre de comparaison, la face active des meules rotatives manuelles connues en Gaule est rarement inclinée à plus de 20/24°. Le diamètre de la face active des moulins pompéiens varie entre 50 et 90 cm. Les catillus, d’une hauteur de 93 L. Jaccottey, s. LongepIerre – Les mouLins de tyPe PomPéi en france Catillus "flanc" sup. pa roi su p. oreille trou (d’emmanchement et/ou d’anille) pa ro i in f. bourrelet externe "flanc" inf. Meta Extrémité de la face sup. qui ne sert pas de face active 0 ——— Fig. 1. Les deux éléments du moulin pompéien. ——————— 50 cm 94 éVoLutIon typoLogIque et tecHnIque des meuLes du néoLItHIque à L’an mILLe 45 à 100 cm, sont définis par leur forme biconique, rendant possible leur utilisation dans les deux sens, le réceptacle servant souvent, dans un deuxième temps, de face active lorsque celle-ci, trop usée, est proche de la rupture. Ils comprennent deux larges oreilles, plus ou moins proéminentes, disposées de part et d’autre du flanc, qui encadrent chacune un trou sur la fonction duquel nous reviendrons. Les meta ont toujours un œillard non perforant de plan carré et de 7 à 10/12 cm de côté. Leur forme massive est déterminée par une hauteur importante du flanc, comprise entre 40 et 70 cm, qui conduit souvent à devoir les évider largement à partir de leur base afin de réduire leur poids et ainsi faciliter leur transport. Bien qu’elle comporte de multiples variantes révélant l’existence d’époques ou de centres de production distincts, la typologie des moulins pompéiens est en soi suffisamment particulière pour pouvoir les distinguer sans mal des autres catégories de moulins connues en Gaule pour l’Antiquité. En revanche, la restitution des mécanismes mis en œuvre afin de les actionner pose encore problème. Nous savons, compte tenu de diverses représentations iconographiques antiques, sur des bas-reliefs notamment, qu’ont été principalement requis pour leur usage des équidés (Monteix 2006, fig. 2-61 à 2-69). Mais dans ces représentations, seul l’un des deux trous creusés dans le catillus permet de fixer un manche auquel la bête est attelée : on peut se demander quelle était la fonction de l’autre trou. L’iconographie montre un dispositif complexe, probablement en bois (bien que la présence d’éléments en fer ne soit pas à exclure), qui met en connexion les deux trous en question avec l’axe central vertical de la meta. Il nous semble que ce dispositif correspond à ce qu’il conviendrait d’appeler une anille crampon latérale destinée au levage du catillus, condition préalable afin de régler l’écartement des meules (pour plus de précisions à ce sujet, voir Longepierre, ce volume). Nous pensons que sans ce système de réglage celui-ci fonctionnerait très mal1. Lors de l’étude par l’un des auteurs2 des meules de Pompéi dans le cadre du programme Pistrina mené ac- 1- D’autres chercheurs ayant travaillé sur l’histoire des techniques ont également supposé son existence pour ce type de moulin (Amouretti 1986, 146 ; Amouric 1997, 43 ; Baatz 1995, 10). 2- Samuel Longepierre tuellement sur les boulangeries de la ville par Nicolas Monteix (EFR), nous avons pu collecter un ensemble d’éléments qui confortent plutôt l’hypothèse de l’emploi d’un tel système de réglage. Origine géographique et pétrographique Le moulin de type Pompéi doit vraisemblablement son origine au moulin de type Morgantina que l’on retrouve, au moins dès le IVe s. a.C., dans l’aire d’influence punique : à Carthage, en Sardaigne et en Sicile (Alonso Martinez 1997, 17, fig. 2). Ces deux moulins, très proches dans leur morphologie, ont notamment en commun une très forte inclinaison de leur face active, supérieure à 50°. Celui de Morgantina n’a donc aucune similitude avec les moulins rotatifs également attestés très tôt dans le Nord-Est de la péninsule ibérique, dès le Ve s. a.C., et dont l’inclinaison de la face active ne dépasse jamais 20° (Alonso Martinez 1999, 241 ; 2002, 115-118). Il tient son nom de la ville sicilienne de Morgantina d’où provient l’un de ces moulins, daté avec certitude du IIIe s. a.C. (White 1963, 204205). On peut aussi mentionner la découverte d’une meta à Motyé, colonie phénicienne de Sicile détruite en 397 a.C. (Moritz 1958, 55 ; Alonso Martinez 1995, 19-20), ou encore, près de l’île de Majorque, celle de deux moulins dans l’épave d’El Sec qui est datée du deuxième quart du IVe s. a.C. (Arribas 1987, 573-576). Une analyse géo-chimique a permis de déterminer que l’un d’eux avait été confectionné dans la roche volcanique du massif de Mulargia, en Sardaigne (WilliamsThorpe et Thorpe 1990, 133). À Carthage, un moulin de type Morgantina appartenant à la première moitié du IIe s. a.C. a été mis au jour lors des fouilles du quartier punique de Byrsa (Lancel 1982, 93-95). Par chance, il a été conservé en position de fonctionnement, rendant possible une restitution de son actionnement qui ne pouvait se faire que par un homme se tenant assis ou accroupi. L’attestation la plus ancienne de l’existence du moulin de type pompéien nous est fournie par la composition, vers 160 a.C., du De Agricultura de Caton qui fait mention, par l’emploi du terme molas asinarias, de moulins tractés par des ânes en Italie (De Agr., 10.4 et 11.4) (Amouretti 1986, 144). C’est donc au plus tard dès cette époque que le moulin de type Morgantina, de taille trop restreinte pour envisager son entraînement à l’aide d’un animal, a été modifié, en 95 L. Jaccottey, s. LongepIerre – Les mouLins de tyPe PomPéi en france augmentant ses dimensions, pour donner ce que nous appelons le moulin pompéien. Les études archéologiques manquent dans ce domaine afin de déterminer l’aspect que prenait ce moulin du temps de Caton et l’on connaît mieux ses formes durant le Haut-Empire, grâce aux découvertes des boulangeries de Pompéi, pour le Ier s. p.C. (Peacock 1989), et celles d’Ostie, pour le siècle suivant (Bakker 1999). Toutefois, en ce qui concerne le courant du Ier s. a.C., les meules pompéiennes retrouvées dans des centres métallurgiques, ceux de Sortijón du Cuzna (Cordoue, Espagne) et du Domaine des Forges (Les Martys, Aude, France), sont proches, dans leur forme, de celles du Haut-Empire (Domergue et al. 1997, p. 49, 52-53 et fig. 1 et 2). Mais cette situation n’a pas dû être celle des premiers temps, comme en témoigne la découverte, dans la mine de Lascours (Hérault, France), de deux catillus pompéiens dont la forme rappelle clairement celle des catillus de type Morgantina (réceptacle réduit, encoches d’emmanchement ouvertes au sommet pour l’un d’eux) (Domergue et al. 1997, 53-54, 58, fig. 4). Ces meules, apparemment confectionnées en roche volcanique d’Orvieto (Latium, Italie), ne sont pas datées, mais, eu égard à leur typologie précoce, sont probablement en relation avec la phase initiale d’exploitation de la mine par les Romains, comprise entre la fin du IIe s. et le Ier s. a.C. Il est en définitive plus aisé de cerner l’origine du moulin pompéien que sa fin. En l’état des connaissances, on ne peut dire que peu de choses à ce sujet, si ce n’est que sa disparition est certaine au-delà de l’Antiquité. Ce type est encore attesté au IVe s. p.C. dans la villa Casale en Sicile et semble l’être également au Ve s. p.C. dans l’agglomération de Musti (Tunisie), si l’on admet que la croix chrétienne gravée sur un catillus pompéien qui en provient permet de le dater de cette époque (Williams-Thorpe 1988, 261). L’un des grands intérêts des travaux précurseurs de D.P.S. Peacock menés sur les molas asinarias de Pompéi, a consisté en l’analyse pétrographique des roches volcaniques utilisées dans leur fabrication (Peacock 1989, 205-214). Deux provenances principales ont ainsi été mises en évidence : une origine locale qui concerne des meules confectionnées dans une roche volcanique issue des environs du Vésuve, et un lieu de provenance plus lointain localisé dans la région d’Orvieto, où se situe une zone d’activité meulière antique exploitant une roche volcanique caractérisée par la présence de cristaux de leucite3. État des connaissances préalablement à l’étude En Languedoc et en Provence, antérieurement à nos propres recherches, les mentions de meules pompéiennes dans les ouvrages bibliographiques font figure d’exception. On dénombre ainsi, pour la période comprise entre la fin du IIe s. a.C. et l’époque augustéenne 9 meules, et 4 autres issues respectivement du Domaine des Forges (Les Martys, Aude) et de Lascours (Hérault). Mais ces découvertes proviennent d’ensembles particuliers, deux centres métallurgiques gérés par des compagnies républicaines en rapport étroit avec l’Italie, ce qui pourrait expliquer leur très bonne représentation sur ces sites (Domergue et al. 1997, p. 52-53, 58). Ailleurs, la présence de ce type de moulin est signalée dans deux agglomérations secondaires romaines et dans le chef-lieu de cité d’Aix-en-Provence. Il s’agit, pour Lattes (Hérault), d’un fragment de catillus daté entre 50 a.C. et - 25 a.C. (Py 1992, 213-214, fig. 21)4, pour Lunel-Viel (Hérault), d’un autre daté entre 70 et 100 p.C. (Raynaud 1990, 112, fig. 56) et pour Aix-en-Provence (Bouchesdu-Rhône), d’un troisième non daté (Nin 2002, 242). Dans la partie nord de la Gaule, au-delà de Vienne, les mentions de meules pompéiennes sont encore plus rares ; une partie d’entre elles a été rassemblée par J.-C. Béal (1996, 93), sans que les meules en question n’aient été revues. La majorité des meules est ainsi signalée dans des études locales ou régionales, comme celles qui ont été mentionnées à propos d’Amiens (Bayard et Massy 1983, 163), de Tours (Audin 2002, 75) de Limoges (Loustaud 1972, 35) et de Reims (Poulin 2000, 15-18). Notons également la découverte fortuite d’une meule pompéienne en remploi comme urne funéraire 3- Une étude italienne a également permis de conforter et de compléter, avec la découverte d’une meule provenant de l’Etna, les premiers résultats apportés par D.P.S. Peacock au sujet de l’étude pétrographique des meules de Pompéi : Buffone, Borenzoni, Ballara, Banettin, “Le macine rotatorie in rocce vulcaniche di Pompei”. RST Pomp, 10, 1999, 117-131. 4- C’est par erreur que ce fragment de meule a été attribué, dans la publication, à l’existence d’un moulin pompéien de petite dimension. L’estimation de son diamètre autour de 64 cm permet au contraire d’affirmer qu’il s’agit bien d’une mola asinaria. 96 éVoLutIon typoLogIque et tecHnIque des meuLes du néoLItHIque à L’an mILLe à Amiens (Vassel & Will 1956, 328) (fig. 2) ou encore d’une autre à l’occasion de la mise au jour d’une mosaïque à Reims (Loriquet 1862, 10) (fig. 2). Quand ils existent, les dessins de ces meules sont anciens et peu précis, ce qui interdit leur étude typologique. répartItIon des meuLes pompéIennes La réalisation de cet inventaire collectif des meules pompéiennes permet de constater que leur présence est non négligeable sur le territoire national, alors que celle-ci était jusqu’à présent considérée comme anecdotique (Py 1982). Le nombre total de celles qui ont été recensées à ce jour est de 62, dont 35 réparties sur 16 communes pour la seule Narbonnaise. Ce chiffre reste cependant très limité, en comparaison du nombre de meules manuelles que nous avons pu inventorier en France. En effet, dans la base de données du Groupe Meule, le rapport entre meules manuelles et de type Pompéi est respectivement de 2044 contre 7, ces dernières représentant un peu moins d’1 % du corpus. En Narbonnaise, l’utilisation habituelle des moulins pompéiens ne fait plus de doute. Notre étude des objets de mouture répartis sur 112 sites languedociens et provençaux, d’époques protohistorique et romaine pour la plupart, mais aussi médiévale, a abouti au recensement de 673 meules rotatives (ou fragments) qui se distribuent de la façon suivante : 568 meules manuelles et 105 meules de grand format (à sang ou hydrauliques) dont 102 sont attribuables à la période du Ier s. a.C. au IVe s. p.C. Parmi ces dernières, 22 sont de type pompéien5, ce qui représente donc près d’un cinquième de l’ensemble des meules de grand format antiques. Toutefois, cette proportion ne reflète sans doute pas l’ampleur réelle du phénomène de diffusion des meules pompéiennes. Celles-ci sont en effet toujours confectionnées en roche volcanique d’Orvieto (Italie) (cf. paragraphe suivant), matériau qui possède le désavantage de devenir friable avec le 5- On ne tient pas compte ici des 13 meules pompéiennes provenant des centres métallurgiques du Domaine des Forges (Martys, Aude) et de Lascours (Hérault) mentionnés plus haut et qui appartiennent, comme nous l’avons dit, à un contexte très spécifique (Domergue 1997). temps. Cela restreint les possibilités de retrouver des fragments de meules pompéiennes qui soient assez volumineux pour pouvoir les identifier comme tels. On dénombre ainsi, pour la région considérée, 17 fragments informes de meules en roche d’Orvieto issus de sites distincts et qui ont de très fortes chances de correspondre à des meules pompéiennes, même si l’on sait que plus rarement des meules hydrauliques, et de manière très marginale des meules manuelles, ont également été exportées dans le Sud de la Gaule en provenance de la meulière d’Orvieto. Nous pouvons considérer en définitive que le rapport – 39 meules pompéiennes (soit les 22 fragments attribués sûrement à ce type et 17 autres informes) contre 80 meules de grand format antiques autres que de type pompéien – est plus proche de la réalité que le précédent. Il est vrai, d’autre part, que les 22 meules pompéiennes ne constituent qu’un faible lot comparé aux 568 meules manuelles que nous avons pu étudier. Mais ce constat est seulement dû à des raisons d’ordre chronologique et ne signifie pas que les moulins pompéiens occupent une place subalterne dans la diffusion des objets de mouture. En effet, nous avons pu mettre en évidence de manière assez nette que les meules de grand format (qui comprennent celles de type Pompéi) sont plus fréquentes entre le Ier s. et le IVe s. p.C. que les meules manuelles, alors que cette situation est inverse pour l’époque tardo-républicaine, puis de nouveau à partir de la fin de l’Antiquité. Au-delà du Languedoc et de la Provence, les meules pompéiennes recensées en France occupent une large zone géographique qui s’étend au nord jusqu’à la frontière belge, celle-ci ne constituant pas pour autant une limite à leur diffusion puisque deux exemplaires sont connus en Allemagne, dans la région de l’Eifel (Horter 1994, 33 ; Baatz 1995, 10), et deux autres au Royaume-Uni (com. Pers. D. Peacok 2009). La répartition des découvertes n’est pas homogène, mais elle ne fait semble-t-il qu’illustrer un état inégal des recherches en cours, car pour certaines régions nous n’avons pas pu nous procurer les informations nécessaires, notamment lorsqu’aucun membre de notre collectif n’y réside, ce qui rend plus difficile la visite des collections conservées dans les dépôts archéologiques et la lecture des ouvrages bibliographiques régionaux de diffusion restreinte. Ainsi, pour tout le Sud-Ouest 97 L. Jaccottey, s. LongepIerre – Les mouLins de tyPe PomPéi en france Amiens "Rue de l'Union" (d'après Vasselle F. et Will E. 1956, fig. 4) Reims "Mosaïque des Promenades" (d'après Loriquet 1862, planche II, n°11) Amiens et Paris "Hôtel Dieu" (d'après d'après Lindet 1900, fig. 15) ——— Fig. 2. Exemples de meules pompéiennes dans la bibliographie ancienne. ——————— de la France, aucune meule pompéienne n’est connue à ce jour. La vallée du Rhône constitue en revanche le secteur où ces meules sont retrouvées le plus fréquemment, notamment dans les agglomérations romaines de Lyon et de Vienne. Si ces observations ne dépendent pas uniquement d’une plus grande attention consacrée par les archéologues locaux aux objets qui nous occupent, on peut se demander si cet axe naturel favorable aux transports de marchandises provenant du Bassin méditerranéen n’a pas permis une meilleure diffusion des meules pompéiennes le long de son parcours, à partir de la Narbonnaise, où cellesci sont particulièrement bien représentées. Le rapport entre les meta et les catillus découverts est respectivement de 15 et 47. Cette plus forte proportion des catillus est particulièrement nette en dehors de la Narbonnaise où 24 catillus sont connus pour seulement 3 meta. L’explication en réside probablement dans la forme très reconnaissable des catillus pompéiens, compte tenu de leur aspect biconique et de leurs larges oreilles quadrangulaires, alors qu’il est moins aisé pour un œil non averti d’identifier une meta comme ayant appartenu à un moulin pompéien lorsque celle-ci n’est conservée qu’en partie. Les trois meta inventoriées pour le Nord de la France sont complètes. matIères premIères Pour le Languedoc et la Provence, l’intégralité des fragments de meules de type pompéien recensés à ce jour est taillée dans une roche volcanique vacuolaire à cristaux blanc de leucite dont une origine italienne paraît vraisemblable en l’attente d’analyses pétrographiques. En effet, ce matériau très caractéristique à l’œil nu, ne semble pas pouvoir se confondre visuellement avec d’autres roches volcaniques gauloises. Il est présent en revanche dans toute la péninsule italienne, mais c’est principalement près d’Orvieto qu’est attestée une production de molae asinariae (Peacock 1989, 205-213). Sur la base d’analyses pétrographiques de lave utilisée dans la confection des moulins pompéiens retrouvés dans les centres métallurgiques languedociens des Forges (Les Martys, Aude) et de Lascours (Hérault), un rapprochement avec cette région de production a été suggéré (Domergue 1997, 51-54). D’autre part, J.-L. Reille, qui a conduit récemment tout un ensemble 98 éVoLutIon typoLogIque et tecHnIque des meuLes du néoLItHIque à L’an mILLe 1. Les Martys (11) "Domaine des Forges" 2. Lascours (34) "Mont Faulas" 3. Tourbes (34) "Mont Ferrier" 4. Pézenas (34) "l'Auribelle Basse" 5. Aspiran (34) "Saint-Bézard" 6. Lattes (34) 7. Lunel-Viel (34) 8. Lunel (34) "Mas de Fourque" 9. Nimes (30) "Saint-André-de-Codols" 10. Nimes (30) 11. Nimes (30) "Parc Georges Besse" 12. Saint-Hippolyte-de-Montaigu (30) "l’Oratoire" 13. Saint-Victor-la-Coste (30) "Mayran" 14. Arles (13) 15. Aix-en-Provence (13) 16. Orange (84) 17. Vienne (38) 18. Lyon (69) 19. Limoges (87) 20. Chalon-sur-Saône (71) 21. Tours (37) 22. Orléans (45) "Clos de la Fontaine" 23. Jouars-Pontchartrain (78) 24. Paris (75) "Hôtel Dieu" 25. Meaux (77) "Rue saint Faron" 26. Reims (51) 27. Soissons (02) 28. Amiens (80) 28 27 24 25 26 23 22 21 20 19 18 17 meta catillus 12 10 11 5 2 1 3 4 8 7 6 9 16 13 14 15 Jaccottey et Longepierre 2009 ——— Fig. 3. Carte générale des meules pompéiennes en Gaule. ——————— d’analyses géologiques sur des meules protohistoriques du Sud de la Gaule, a également proposé la région d’Orvieto comme lieu d’origine d’un catillus pompéien issu de la zone périurbaine de l’agglomération antique d’Aix-en-Provence dont l’un6 d’entre nous a réalisé l’étude typologique7 (Nin 2002, 242). Au-delà du Sud-Est de la France, la situation est plus complexe et aucune analyse pétrographique n’a encore été pratiquée sur les meules pompéiennes re- 6- Samuel Longepierre 7- Cette meule, découverte lors de la fouille préventive de la ZAC Sextius Mirabeau par N. Nin en 1997, est nommée ZAC Sextius Mirabeau n°4 dans notre inventaire. censées. Nous avons dû nous contenter d’une identification visuelle afin de distinguer une meule en roche non volcanique d’une autre en roche volcanique. Ces dernières ont pu être confectionnées dans les meulières italiennes de la région d’Orvieto, ou dans les massifs volcaniques du Massif Central, lieu d’une importante production de meules manuelles dès la fin de l’âge du Fer (Jaccottey et al. 2008, 377-381), ou encore dans ceux de l’Eifel dans le Palatinat où des meules ont également été extraites en grand nombre dès l’Antiquité (Mangartz 2006). Dans la vallée du Rhône, les meules pompéiennes issues des villes de Lyon et de Vienne sont toutes en roche volcanique. Il est envisageable qu’une partie 99 L. Jaccottey, s. LongepIerre – Les mouLins de tyPe PomPéi en france d’entre elles soient en roche d’Orvieto, si l’on considère qu’elles ont été diffusées à partir de la Narbonnaise où les meules pompéiennes analysées sont toujours dans ce matériau. Une autre partie a pu provenir des volcans du Massif Central, situés à faible distance de la vallée du Rhône, bien qu’aucune donnée archéologique ne permette à ce jour de conforter l’hypothèse d’une production de meules pompéiennes dans ce secteur. En-dehors de la vallée du Rhône, les matériaux utilisés dans la fabrication de ces meules sont soit des grès (Chalon-sur-Saône, Meaux, Reims et Amiens), soit des roches volcaniques (Limoges, Orléans, Tours, Jouars-Pontchartrain, Reims, Soissons, Troyes et Amiens). Si l’on suppose que ces dernières proviennent du Massif Central, elles auraient été extraites à plus de 150 km de Limoges et à près de 300 km de Tours et d’Orléans. En revanche, si leur origine se situe dans le massif de l’Eifel, les trois villes qui viennent d’être citées en sont distantes de plus de 600 km. Les villes de Paris et Jouars-Pontchartrain, Amiens et Reims, sont séparées de 300 à 500 km du massif de l’Eifel, les volcans du Massif Central étant encore plus éloignés. En définitive, faute de pouvoir déterminer avec certitude les lieux de production des meules pompéiennes en roche volcanique, ces objets s’inscrivent dans la plupart des cas dans une diffusion extrarégionale qui est sans commune mesure avec celle reconnue pour des meules manuelles d’époques protohistorique et romaine (Boyer et al. 2006). Des meules pompéiennes en grès identifiées dans quelques sites témoignent au contraire de l’existence d’une production régionale. C’est le cas de celle qui est conservée au musée Denon de Chalon-sur-Saône, façonnée dans un grès triasique similaire à celui que l’on trouve sur le flanc est du massif du Morvan, à quelques dizaines de kilomètres. Des fragments de meules en grès proviennent également des villes d’Amiens, de Meaux et de Reims. Il s’agit d’un grès gris d’aspect quartzitique aux grains grossiers composés de feldspath et de silex noirs. Ce matériau, dont l’aspect “poivre et sel” est facilement reconnaissable à l’œil nu, affleure uniquement à l’emplacement des communes de Fosses et de Belleu (Aisne), ce qui lui a valu son nom de “Fosses-Belleu”. La distance entre ces deux zones d’affleurement et les lieux de découverte des meules en question est comprise entre 40 et 130 km (Amiens-Fosses : 100 km ; Amien-Belleu : 100 km ; Meaux - Fosses : 40 km ; Meaux - Belleu : 70 km ; Reims - Fosses : 130 km ; Reims - Belleu : 60 km). contexte et nature des sItes Lorsque le contexte de découverte des meules pompéiennes nous est connu, elles proviennent de niveaux de remblai, ou bien elles sont retrouvées en position de remploi, jamais en position de fonctionnement. Ainsi, l’une de ces meules a été intégrée dans une maçonnerie à Meaux, une autre est issue d’un niveau de démolition moderne d’une abbaye, d’autres ont été jetées dans des cours d’eau à Chalon-sur-Saône et à Lyon, ou au fond d’un puits à Reims. À Orléans, au Clos de la Fontaine, un fragment de l’oreille d’un catillus a été inséré dans le bâti de la porte d’un sanctuaire antique afin de servir de pivot. Un deuxième cas de remploi est également attesté Rue de l’Union, à Amiens, où les deux parties d’une même meule permettaient de recevoir une urne funéraire romaine (Vasselle et Will 1956, 328). En-dehors de la Narbonnaise, les moulins pompéiens proviennent pour l’instant toujours d’agglomérations antiques, qui peuvent être modestes (JouarsPontchartrain, Meaux, Soissons) ou plus importantes (Amiens, Chalon-sur-Saône, Limoges, Lyon, Paris, Reims, Vienne, Troyes). En Narbonnaise, ces moulins se répartissent également dans les chefs-lieux de cité d’Arles, d’Aix-en-Provence et d’Orange, pour la Provence, et de Nîmes, pour le Languedoc. Leur présence est d’autre part attestée dans l’agglomération secondaire de Lunel-Viel (Hérault). Mais on en trouve aussi sur 7 grands établissements ruraux, dont au moins 5 sont des villas. Enfin, un fragment de meule pompéienne provient d’un petit établissement rural qui n’a pas le rang d’une villa. concLusIon Ce premier recensement des moulins pompéiens à l’échelle du territoire national met en évidence leur bonne représentation même en dehors de la Narbonnaise. Cela semble suggérer que le nombre de leurs découvertes pourrait s’accroître considérablement dans les années à venir en poursuivant, comme nous le souhaitons, les recherches dans ce domaine. 100 éVoLutIon typoLogIque et tecHnIque des meuLes du néoLItHIque à L’an mILLe type de meule ——— Fig. 4. Inventaire des meules pompéiennes en Gaule. ——————— matière hauteur diamètre bibliographie catillus basalte à cristaux de Leucite sup. 72 cm 92 cm catillus basalte à cristaux de Leucite catillus grès de Fosses-Belleu sup. 70 cm 79 cm Vasselle F. et Will E. 1956 catillus grès de Fosses-Belleu sup. 59 cm 64 cm Béal J. C. 1996 meta grès Bayard D. et Massy J.-L. - 1983 catillus grès de Fosses-Belleu sup. 55 cm 69 cm catillus basalte sup. 47 cm 58 cm catillus grès de Fosses-Belleu 68 cm 76 cm catillus grès feldspathique sup. 40 cm sup. 55 cm catillus basalte à cristaux de Leucite sup. 49 cm catillus basalte à cristaux de Leucite meta basalte à cristaux de Leucite catillus grès triasique catillus basalte meta basalte à cristaux de Leucite 80 cm Longepierre S. 2008 catillus basalte à cristaux de Leucite sup. 38 cm 83 cm Longepierre S. 2008 meta basalte à cristaux de Leucite 50 cm 65 cm Longepierre S. 2008 meta basalte à cristaux de Leucite 43 cm 70 cm Longepierre S. 2008 catillus basalte à cristaux de Leucite ? 64 cm Py M. 1992 catillus basalte à cristaux de Leucite sup. 40 cm sup. 65 cm Domergue C. 1993 catillus basalte à cristaux de Leucite ? ? Domergue C. 1993 meta basalte à cristaux de Leucite 50 cm 62 cm Domergue C. 1993 meta basalte à cristaux de Leucite 66 cm 70 cm Domergue C. 1993 meta basalte à cristaux de Leucite 58 cm 70 cm Domergue C. 1993 meta basalte à cristaux de Leucite 66 cm 70 cm Domergue C. 1993 catillus basalte à cristaux de Leucite ? ? catillus basalte à cristaux de Leucite ? ? catillus basalte à cristaux de Leucite sup. 33 cm 66 cm meta basalte 90 cm 70 cm Loustaud J.P. 1972 catillus basalte à cristaux de Leucite ? ? Longepierre S. 2008 catillus basalte sup. 45 cm 52 cm Longepierre S. 2008 catillus 60 cm 60 cm Béal J. C. 1996 catillus basalte 63 cm 62.5 cm Béal J. C. 1996 catillus basalte 65 cm 73 cm Béal J. C. 1996 catillus basalte 65 cm 45 cm Béal J. C. 1996 catillus basalte 60 cm 78 cm Béal J. C. 1996 catillus grès de Fosses-Belleu 40 cm 60 cm meta basalte à cristaux de Leucite 75 cm catillus basalte à cristaux de Leucite sup. 60 cm catillus (2 frag) basalte à cristaux de Leucite sup. 60 cm catillus basalte à cristaux de Leucite sup. 55 cm catillus basalte à cristaux de Leucite Longepierre S. 2008 catillus basalte à cristaux de Leucite meta basalte à cristaux de Leucite catillus basalte à cristaux de Leucite sup. 70 cm catillus basalte sup. 44 cm 64 cm catillus basalte ? Béal J. C. 1996 catillus basalte à cristaux de Leucite Longepierre S. 2008 catillus basalte 93 cm 95 cm Loriquet Ch. 1862 catillus grès de Fosses-Belleu Poulin C. 2000 catillus grès de Fosses-Belleu 53 cm 70 cm Béal J. C. 1996 catillus basalte sup. 46 cm 57 cm Béal J. C. 1996 meta Béal J. C. 1996 catillus basalte à cristaux de Leucite meta basalte à cristaux de Leucite sup. 90 cm 86 cm Longepierre S. 2008 catillus basalte 120 cm 92 cm BSAHS, Soissons, 1886 catillus basalte à cristaux de Leucite sup. 51 cm Longepierre S. 2008 meta basalte à cristaux de Leucite sup. 51 cm Longepierre S. 2008 catillus 75 cm 85 cm Audin P. 2002 catillus basalte catillus basalte 34.5 cm 58 cm Béal J. C. 1996 catillus basalte 49 cm 67.5 cm 101 L. Jaccottey, s. LongepIerre – Les mouLins de tyPe PomPéi en france basalte d'Orvieto basalte indéterminé grès roche indéterminée meta catillus Jaccottey et Longepierre 2009 ——— Fig. 5. Carte des meules pompéiennes en Gaule par type de matière première. ——————— En ce qui concerne la nature et la répartition des matériaux utilisés dans la confection de ces meules, un premier constat nous apparaît : dans le Sud-Est de la France, ces matériaux sont exclusivement italiens, de la région d’Orvieto (Latium). Pour le reste du territoire, la situation est plus contrastée puisque l’on trouve à la fois des meules en roches volcaniques de provenance extrarégionale et d’autres en grès d’origine plus locale. Il est intéressant de rappeler, à titre d’exemple, le cas même de Pompéi dont les moulins de ce type sont soit en roche volcanique de provenance lointaine localisée dans la région d’Orvieto, soit en roche volcanique extraite non loin de la ville antique, aux abords du Vésuve (Peacock 1989, 205214). Pour la Gaule, il conviendra donc de préciser l’origine des matériaux volcaniques pour les meules qui n’ont pas pu être clairement associées à la zone de production d’Orvieto. L’étude typologique des meules pompéiennes reste à faire ; il est probable qu’elle pourra apporter des éléments de réponse afin de distinguer des zones de production ou des époques différentes. Nous savons encore peu de choses sur l’époque de la diffusion de ces meules, car le contexte de découverte de la plupart d’entre elles n’est plus connu, excepté en Languedoc et en Provence où celles-ci, bien datées car issues de fouilles récentes, appartiennent majoritairement aux deux premiers siècles de notre ère et plus rarement au Ier s. a.C. 102 éVoLutIon typoLogIque et tecHnIque des meuLes du néoLItHIque à L’an mILLe Bibliographie Alonso Martinez, N. (1995) : “Les premières meules rotatives manuelles dans le nord-est de la péninsule ibérique”, in : Amouretti &. Comet La transmission, 15-23. COMPLÉTER SVP Alonso Martinez, N. (1997) : “Origen y expansión del molino rotativo bajo en el Mediterráneo occidental”, in Meeks, D. et D. Garcia dir.: Techniques et économies antiques et médiévales: le temps de l’innovation: Actes du colloque international d’Aix-en-Provence, Travaux du Centre Camille Jullian, 21, 15-19. Alonso Martinez, N. (1999) : De la llavor a la farina. 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